Les constructions impersonnelles, par exemple des phrases sans sujet explicite, sont plutôt fréquentes dans les langues Elfiques inventées de Tolkien, bien qu'elles ne soient pas facilement comprises du point de vue d'un anglophone puisque l'anglais est un langage qui requière un sujet explicite. Un exemple est la phrase 'il pleut'. 'Il' dans cette expression n'est pas un pronom normal, puisqu'il n'y a pas de nom qui puisse le remplacer habituellement. On ne dirait pas normalement 'le nuage pleut' ou 'le temps pleut' si le pronom était censé remplacer le nom 'nuage' ou 'temps'. Dans de telles situations où une action est réalisée par un agent non spécifié (peut-être même non spécifiable), d'autres langages (comme le finnois) utilisent des constructions impersonnelles qui disent l'équivalent de 'pleut' sans sujet ouvert. Pour illustrer ce point, nous allons utiliser souvent, dans ce qui suit, une notation dans laquelle le 'il' impersonnel est placé entre crochets, ex. '[il] pleut' (excepté quand on cite un extrait des travaux de Tolkien où la notation originale sera utilisée).
Les langues Elfiques emploient des constructions impersonnelles assez souvent dans bon nombre de situations. Les verbes décrivant le temps sont souvent marqués comme impersonnels, mais aussi des actions hors de contrôle et dans quelques cas aussi, une signification passive peut être exprimée par des constructions impersonnelles. Dans ce qui suit, nous allons présenter le matériel attesté au cours des différentes phases conceptuelles des langues Elfiques de Tolkien et nous discuterons de la grammaire et de l'utilisation des expressions impersonnelles.
Les verbes impersonnels ont fait partie des langues Elfiques depuis le tout début. Le Gnomish Lexicon (PE12) datant d'environ 1917 contient quelques verbes qui sont marqués comme impersonnels. Ceci est probablement le mieux illustré par luista- 'dessécher' (PE11:55) où l'exemple luista nin 'j'ai soif', lit. '*[il] déssèche pour moi. L'expression Gnomique ne contient par de 'il' puisque ce serait **a·luista nin. Un exempl similaire est oltha- 'apparaître comme une apparition' (PE11:62) où la remarque de Tolkien impers. c. dat. 'I dream' pointe vers *oltha nin 'je rêve' lit. '*[il] apparaît comme une apparition pour moi'.
Le point commun entre ces deux exemples est qu'ils décrivent des actions qui sont hors de contrôle de l'acteur - la personne qui est assoiffée ne peut pas choisir de ne pas l'être, ni le rêveur choisir ce qui apparaît dans ses rêves.
D'autres verbes sont explicitement désignés comme impersonnels:
De manière assez évidente, il y a une partie de verbes décrivant le temps (qu'il fait) où il n'y a pas d'acteur explicite 'faisant le temps' qui puisse être identifié. Mais il y a aussi des verbes en relation avec le temps pour lesquels aucune utilisation impersonnelle n'est indiquée, comme ubra- 'pleuvoir' (PE11:74).
Quelques autres verbes pourraient apparaître comme impersonnels, mais montrent apparemment une terminaison -[i]n qui, pour d'autres verbes semblent indiquer une terminaison pronominale de la 1ère personne - parce qu'il y a des verbes qui marquent la 3ème personne, comparez avin 'il part' (PE12:33) et aqin 'je saisis dans ma main' (PE12:31). La 1ère personne semble être marquée par un -r parfois, cf. lomir 'je cache' (PE12:55). D'un autre côté, varkin 'cela présage' (PE12:102) est clairement marqué comme impersonnel. La coexistense apparente de différents concepts de ce que les terminaisons individuelles signifient rendent difficile une conclusion concernant les quelques verbes suivants: hilkin 'il gèle' (PE12:39), ilkin- (sic) 'il semble' (PE12:42), lūta-, lukta- 'le temps passe' (PE12:56), uqin 'il pleut', vildin 'il importe' (PE12:102) et varkin (impers.) 'cela présage' (PE12:102)
La grammaire en Qenya Primitif montre un système riche de terminaisons impersonnelles. En plus de la forme impersonnelle habituelle où ausun agent ne peut être identifié (et la terminaison pronominale est abandonnée), le Qenya Primitif a aussi une terminaison de verbe impersonnel qui est utilisé quand il y a un agent, mais qui n'est pas connu.
L'utilisation de la première forme peut se voir dans PE14:56:
Notet que le neutre (rem: ex. le pronom(h)a-) n'est jamais utilisé comme sujet impersonnel: il n'y a aucun préfixe utilisé dans ce cas, comme uqe 'il pleut', tiqe 'il fond'.
A nouveau, dans ces exemples, les verbes ayant à faire avec le temps sont impersonnels. La seconde forme impersonnelle est apparente à partir de ce qui suit:
The inflections of verbs are always pretty regular and consist of (a) no ending for singular (b) -r for the impersonal (distinct from the endingless form, e.g. uqe 'it rains', but tulir 'one goes, somebody goes'). (...) this becomes a passive if pronomial elements are added, for these are in the accusative (rarely dative). In the first case (accusative) these still may retain (...) their accusative-position after the verb, but as the passive feeling has increased such expressions as ha·matsir 'it is soiled' are not unusual.
What the latter seems to imply is the sequence of forms *matsir '*someone soils', *matsir ha '*someone soiles it' with the pronoun in accusative position and ha·matsir 'it is soiled' with pronoun moved to nominative position and passive being understood. For comparison, *ha·matse would then be '*he soils'.
Impersonal constructions do not seem to be confined to special verbs - if the situation is sufficiently general, the verb can be used in such a way: (h)a- is only employed with definite reference: impersonal 'it' is rendered by verb without pre-verbal prefix, as: (h)a·tule 'it comes' (some definite thing) tule ne 'it happens that, it comes about that (PE14:52), cf also
tule mer 'it comes to us, falls to our lot' (PE14:85)