IDEES
POUR UN FILM WESTERNESSE
1ère
partie
Par
H.K. Fauskanger
Imaginons
que dans quelques années, nous sommes assis dans l’obscurité d’une
salle de cinéma. Nous sommes sur le point de regarder la dernière
production de New Line, un film évènement appelé Westernesse
(sous titré : « Quand Sauron était toujours le Seigneur
des Anneaux »). Les critiques étaient partagés. « Une
tentative osée d’exploiter le nom de Tolkien » disent quelques
critiques. « Contrairement au Seigneur des Anneaux dans l’esprit
et le style, avec à peine une once d’humour ou d’auto-ironie…
La démarche est surprenante, et
vers la fin devient positivement étrange. » D’autre
critiques sont plus positives : « Une sombre méditation
sur le pouvoir corruptif du mal… montre que les films fantastiques
peuvent être non moins profonds ou « sérieux » que,
disons, une Liste de Schindler. La performance de Jude
Law incarnant Sauron est une graine d’Oscar… Les parents seront
cependant bien avisés de ne pas amener leurs petits enfants ;
ceci n’est définitivement pas un film familial. »
Bon.
Voyons par nous-même. La dernière bande annonce se termine. Le
logo de New Line flotte sur l’écran (suis-je le seul à se souvenir
du Monolithe Noir de 2001 ?) Une musique sombre. L’obscurité.
Puis…
Plan
extrêmement rapproché sur un œil. Non pas l’œil incandescent de
Sauron ou autre chose – juste le regard intense et angoissé d’un
homme mortel. Quelques uns dans le public se souviennent de la
séquence d’ouverture de Blade Runner. Tout au fond de la pupille
sombre de l’homme quelque chose se reflète brièvement – un objet
doré qui se recule rapidement. Disparu. Et l’œil s’estompe à nouveau
dans les ténèbres.
Ténèbres…
ténèbres…
Puis,
hors de l’ombre, une voix fatiguée et sombre (Isildur) récite
le thème du film… proche de l’Akallabêth :
“Il
n’y a maintenant aucun endroit habité sur Terre où le souvenir
d’un temps sans mal soit préservé. »
Silence…
permettant aux mots de sombrer. Mettant le public dans l’ambiance.
Alerte à la tragédie. Et les ténèbres persistent… persistent.
Puis…
“Une
route droite va vers l’ouest. Maintenant toutes les routes sont
courbes. Parce que le monde a été cassé et diminué, et maintenant
seuls quelques uns se souviennent toujours de son existence réelle
et de la forme sous laquelle il avait été créé… »
D’une
manière imperceptible, peut-être à l’aide de subtiles touches
musicales ou d’effets sonores, l’obscurité qui remplit l’écran
change. Ce n’est plus juste une obscurité froide et vide, mais
un mode d’existence mythique, plein d’infinies possibilités. Nous
avons été transportés si loin dans le temps que le Temps lui-même
reste à être créé…
Et
comme la voix continue, elle n’est plus comme fatiguée et angoissée,
mais elle est toujours triste.
“Avant
le Commencement, il n’y avait que Lui que les Elfes appellent
Eru Ilúvatar, l’Unique Père de Tout. Et de Sa réflexion, Il fit
les innombrables esprits, et ils chantèrent devant Lui avant que
quoi que ce soit ne fut fait. Puis il mit devant eux une vision
du monde qui serait à venir, et ils l’aimèrent, et Eru donna vie
au monde et son histoire commença. Beaucoup de ces esprits entrèrent
dans le silence et les ténèbres au commencement des temps, et
leur amour les poussa à rester jusqu’à ce que l’histoire fût complète.
Ce sont les Valar, les Pouvoirs du Monde. Et bien que les Valar
ne gardent seulement le monde qu'en Son nom, ils sont maintenant
si puissants que les Hommes les ont souvent appelés dieux. »
Hors
des ténèbres un PAYSAGE PRIMITIF apparaît, pris dans des brumes
et de la fumée. Un monde de lave et de feu, la terre dans sa fière
jeunesse. Le Temps et l’Histoire ne sont nés que récemment… et
Isildur continue son histoire.
“Puissants
en fait sont les Valar, et le plus puissant parmi eux était un
être majestueux dans sa splendeur et glorieux dans l’élévation
de son pouvoir. Mais son nom n’est plus prononcé sur terre et
les Elfes ne l’appelleront plus que Morgoth, le Sombre Ennemi
du Monde [musique menaçante !] Parce que Morgoth réclamait
le monde pour lui-même et se rebella contre la volonté de son
Créateur, il descendit à travers les flammes et tomba dans un
grand feu, dans les Ténèbres. »
Les
FLAMMES du monde primitif explosent en un GRAND FEU, comme si
elles étaient alimentées par une colère violente. (Mais nous avons
probablement déjà eu toutes les ténèbres que le public peut absorber
pour le moment, donc mettons une image réelle sur l’écran, non ?)
De vastes pouvoirs démiurgiques sont enfermés dans un conflit
sans issue. Isildur gronde … ses paroles sont largement basées
sur le matériel préfixé dans le Silmarillion :
“Et
ainsi, dans des temps immémoriaux et oubliés, les Valar combattirent
Morgoth le Sombre Ennemi qui voulait détruire tous leurs travaux.
Ils s’efforcèrent de construire le monde selon la vision qu’Eru
avait mise devant eux, mais, aussi sûr que les Valar commencèrent
un labeur, Morgoth le corrompait ou le défaisait. Et maintenant
le monde était façonné et affermi, comme une habitation parmi
les innombrables étoiles. Parce que les Valar ne construisirent
pas pour eux-mêmes, mais firent un habitat pour les Enfants d’Eru
qui étaient destinés à s’éveiller dans ce monde. »
Après
les chaos primitif, une paix étrange remplit l’écran. Les innombrables
étoiles mentionnées ci-dessus brillent. Notre regard glisse sur
le champ étoilé, un peu comme à chaque début de film de Star Wars,
mais aucun engin spatial grondant n’émergera cette fois. Un paysage
rocailleux près d’un lac, que l’on voit seulement faiblement dans
la lumière des étoiles. L’eau passe par-dessus des pierres, en
faisant un son musical. Et soudainement nous apercevons qu’il
y a beaucoup de corps qui gisent sur le sol. Dans la faible lumière,
ils sont si indistincts que ne peut pas dire leur genre ou même
s’ils sont vêtus ou nus. Peut-être nus, comme s’ils ont juste
issus du sol lui-même. Il y a un mouvement, de l’agitation. Des
yeux ouverts, des yeux admirant les étoiles au-dessus… et les
Eldar, Peuple des Etoiles, est né au monde.
“A
l’Est de la Terre-du-Milieu, les Premiers-nés des Enfants d’Eru
s’éveillèrent. Ce sont les Elfes, à qui Eru a donné de don d’immortalité.
Et les Valar les trouvèrent et les aimèrent, et les invitèrent
à franchir l’océan et à venir au Royaume Béni de Valinor dans
l’Ouest Extrême. »
Le
temps de tourner chaque pierre et de sortir les plus doués des
artistes CGI que New Line Cinema puisse trouver pour que nous
ayions au moins un bref aperçu du Royaume Béni lui-même :
probablement au moins les Deux Arbres de Valinor dans toute leur
gloire, brillant d’une lumière dorée et argentée si riche qu’elle
ne se comporte pas comme les lumières habituelles que nous connaissons,
mais tombe comme la pluie sur le sol en grosses gouttes tombant
des branches de ces Arbres merveilleux. Les lecteurs des livres
de Tolkien reconnaîtront ce qu’ils voient et les autres penseront
que c'est cool. Nous ressentons de la peur dans la voix d’Isildur
alors qu’il continue : « Et de tous les enfants de
ce monde, aucun n’est aussi beau ou sage que les Hauts Elfes qui
furent instruit par les Pouvoirs dans leur propre pays béni. »
Mais
maintenant la musique menaçante revient, et la vision du magnifique
Royaume Béni avec ses Arbres d’Or et d’Argent s’obscurcit jusqu’au
noir. Parce que, comme Isildur nous le dit : « à
la fin, la malveillance de Morgoth atteignit même le Royaume Béni,
et il empoisonna les Elfes avec ses mensonges et il vola leurs
plus grands trésors. Alors beaucoup d’Elfes abandonnèrent les
Valar, et contre la volonté des Pouvoirs Renommés, ils revinrent
en Terre-du-Milieu, jurant de poursuivre Morgoth jusqu’à la fin
du monde et de ramener ce qu’il avait volé… »
Les
épées sont tirées, luisant d’un éclat rouge dans la lumière des
torches; puis l’écran EXPLOSE dans une bataille si énorme que
tout ce qu’on a vu dans la trilogie de Jackson semble soudain
une querelle d’enfant dans leur caisse à sable en comparaison.
Le champ est énorme ; il pourrait y avoir des centaine
de milliers de combattants. Au loin à l’horizon nous voyons
ce que les lecteurs des livres de Tokien pourraient reconnaître
ou pas comme les tours grises sans formes de Thangorodrim, forteresse
de Morgoth. Nirnaeth Arnoediad, la Bataille des Innombrables Larmes
se termine. Des rangées de balrogs, non pas le pauvre gars solitaire
que nous avons vu sur le pont dans la Moria, utilisent leur ardents
fouets contre les attaques des armées des Elfes. Et Isildur en
voix-off nous dit que « pendant des siècles la guerre
continua contre Morgoth et les hordes qui le servaient. Il y avait
ses dragons et ses balrogs, et il y avait une foule d’Orcs qui
tournèrent en ridicule les Enfants d’Eru. ». Au cœur
de la bataille, la caméra trouve un commandant, silhouette armurée
d’une stature supra-humaine. Nous reconnaissons le heaume hideux
qui couvre son visage dans les premières scènes de la trilogie
de Jackson, et Isildur confirme notre supposition : « Mais
le plus grand de tous les serviteurs de Morgoth était l’infect
nécromancier que les Elfes appelaient Sauron, parce que dans les
vastes travaux et astucieuses tromperies de Morgoth dans ce monde,
Sauron a sa part ! »
Mais
une autre race doit aussi être présentée. « Même face
à Sauron et toutes les hordes de Morgoth, les Elfes pendant longtemps
maintinrent leur espoir de victoire. Ils avaient des alliés qui
venaient à leur secours, parce que, avec la venue du Soleil, une
nouvelle race s’éveilla dans le monde et errait à l’Ouest de la
Terre-du-Milieu… »
Nous
quittons la bataille pour une scène plus paisible, et d’une manière
monumentale. Le soleil, vu pour la première fois, brille sur des
gens errants, arrivant pour la première fois vers les rivages
de la Grande Mer et s’émerveillant à sa vue. Habillés d’un simple
vêtement, les errants sont habillée normalement; sur leurs visages
nous cherchons en vain une quelconque beauté éthérée des Elfes
ou les traits hideux des Orcs. Ils semblent plutôt… familiers !
“C’étaient
les Second-Nés des Enfants d’Eru, notre propre race, la race des
Hommes, à qui Eru a fait don de – mort. »
Une
phrase de grande importance a juste été prononcée, bien que pour
le moment, le public doive la trouver mystérieuse (sauf s’ils
ont lu les livres bien sûr). Ne vous inquiétez pas, les gars,
nous reviendrons éventuellement sur ceci… Mais oui, vous avez
bien entendu : « le don de mort ».
“A
l’aube des temps des Elfes Immortels et des Hommes Mortels étaient
alliés et se rassemblèrent, et ils ont marché ensemble contre
le Grand Ennemi. [Musique menaçante à nouveau] Et maintenant
toute leur bravoure a été vaine, parce que Morgoth était trop
fort. Et un par un, les anciens royaumes et les cités des Elfes
furent détruites… »
Une
scène sinistre se manifeste à l’écran. Parmi de hautes montagnes,
une belle cité Elfique blanche est en train d’être envahie par
les dragons et les Orcs de Morgoth, de la fumée s’élevant vers
le ciel. Nous nous éloignons de la cité jusqu’à ce que une des
montagnes arrive en vue, près de la caméra. Un petit groupe de
réfugiés venant de la cité en feu essaie de se frayer un chemin
par delà les montagnes, progressant le long d’un très étroit sentier
vers le haut du flanc de la montagne, le vide béant au dessous
d’eux. Il se peut que les lecteurs du Silmarillion réalisent que
nous sommes en train d’observer la mise à sac de Gondolin et la
fuite de Tuor, Idril et du jeune Eärendil. Ils sont conduits par
un Elfes aux cheveux dorés.
Soudain
un BALROG apparaît devant eux, envoyé par Morgoth pour s’assurer
que personne ne peut échapper à la mise à sac de la cité !
Son fouet menaçant les pauvres réfugiés sur le sentier. Un bref
mais féroce combat s’ensuit entre l’Elfe aux cheveux dorés et
le Balrog. L’Elfe (dont le nom apparaîtra plus tard comme étant
celui de Glorfindel) doit d’une façon ou d’une autre réussir à
blesser mortellement le Balrog, probablement par un acte de bravoure
presque suicidaire (en se trouvant si près de l’énorme monstre
qu’il peut planter son épée profondément dans la gorge ardente).
En réalité c’est un geste de bravoure suicidaire car même
quand le Balrog agonisant perd l’équilibre et tombe dans l’abysse,
Glorfindel est aussi éjecté du petit chemin et tombe après lui :
les combats avec des Balrogs ont une tendance distincte à se terminer
de cette manière… il faut blâmer Tolkien lui-même pour ces éléments
répétitifs de l’intrigue ! (Au moins Glorfindel ne sera pas
tiré en bas par le fouet du Balrog ; ceci serait un trop
évident recyclage d’idées…)
Les
réfugiés restant sont horrifiés de voir Glorfindel tomber dans
le néant en dessous et la caméra trouve le jeune garçon de 7 ans
qui se trouve parmi eux. Abruptement nous avançons de plusieurs
décénies dans le futur jusqu’au moment où le garçon est devenu
un homme : Eärendil le Béni, dont le nom vivra pour toujours
dans la chanson elfique. Et la voix off d’Isildur nous dit :
« finalement, quand la victoire de Morgoth fut presque
complète, Eärendil le Grand Marin conduisit son bateau dans l’Ouest
Lointain cherchant le Royaume Béni des Valar. Il alla à Valinor
et se présenta devant les Pouvoirs du Monde, les priant de pardonner
aux Elfes qui les avaient abondonnés et d’avoir pitié des deux
lignées des Elfes et des Hommes. » Le voyage d’Eärendil
n’a besoin que d’être illustré par quelques images de son bateau
en mer et puis approchant de la côte brillante du Royaume Immortel,
suivi par une brillante vision d’une silhouette s’agenouillant
dans une lumière éblouissante (nous ne voyons pas ceux devant
qui il s’agenouille --- à l’écran, des Valar ne conviendraient
pas !) « Et sa prière fut entendue ! »
Quand
on essaye de synoptiser le Silmarillion en entier sous forme d’une
inévitable introduction à l’histoire de Westernesse elle-même,
peut-être que la fin serait ce qu’il y a de plus difficile :
comment montrer à notre public la Guerre de la Colère, même par
quelques flashs ? une sorte de cataclysme ultime doit être
suggéré à l’écran quand Isildur parle de comment « l’Armée
de Valinor arriva de l’Ouest et attaqua les hordes de Morgoth,
et si féroce fut la bataille des dieux que tous les anciens royaumes
à l’Ouest de la Terre-du-Milieu furent détruits en engloutis sous
la mer. Mais Morgoth, le Pouvoir de la Terreur et de la Haine,
renversé et repoussé dans le Vide Extérieur au-delà du monde.
Et les Elfes pensèrent que le mal était vaincu pour toujours,
et il n’en fut pas ainsi. » (Les derniers mots menaçants
qui sont prononcés dans le livre par Elrond durant le concil sont
GTL.(lignes originales) Incidemment,
quand je me réfère au Conseil d’Elrond, je veux dire la version
littéraire, et non pas la petite dispute mignonne que Jackson
nous a montré)
Quand
la poussière se dissipe après la bataille des dieux, nous devons
être informés que « après le renversement de Morgoth,
les Valar conseillèrent aux Elfes de quitter la Terre-du-Milieu
et de retourner au Royaume Béni, mais aussi pour les Hommes Mortels
qui s’étaient battus et avaient souffert aux côtés des Elfes durant
la guerre contre Morgoth, une riche récompense fut donnée. Puisqu’aucun
mortel ne pourrait jamais venir dans les Terres Immortelles de
l’Ouest Lointain, les Valar élevèrent une nouvelle terre de la
mer et la firent riche et verte, et donnèrent cette vaste île
à nos pères. »
Peut-être
que nous pourrions avoir quelques images de la vraie création
de cette “nouvelle terre”, particulièrement une énorme montagne
s’élevant soudainement de l’océan. De toute façon, nous devons
bientôt avoir de brèves images de gens en bateau approchant une
côte acceuillante, la terre scintillant dans un halon doré. « Et
fatigués après la Guerre sans fin, nos pères quittèrent la Terre-du.-Milieu
et traversèrent la mer et trouvèrent la beau pays qui avait été
préparé pour eux, et ils furent contents. Et puisque que cette
terre était la plus à l’Ouest des Terres Mortelles, ils l’appelèrent
Wsternesse, ou dans la langue des Hauts Elfes…Númenor. »
Et
bien que l’image que nous voyons sur l’écran soit très belle,
ou peut-être exactement parce qu’elle est si belle, Isildur a
l’air soudainement encore plus triste…
“Ainsi
est l’histoire, arrivée jusqu’à nous à travers les milliers d’années,
des origines de notre peuple et de la terre que nous aimions.
Cela commença ainsi. Ceci est l’histoire, telle que Elendil mon
père l’écrivit, et comment elle se termina. »
Bon.
Fin du prologue. Générique. Le film peut commencer…